L’entretien de la semaine :
HAFIANE-BADOUNA MOHAMMED-CHAWKI, KINESITHERAPEUTE (membre de l’association amis du malade de Skikda) , AU SOIRMAGAZINE
«La réalisation d’une structure d’accueil digne d’un centre de rééducation s’impose à Skikda»
Hémiplégiques ou sportifs, malades chroniques ou blessés de matchs de quartier, vieux ou jeunes, «personne n’est à l’abri d’une affection qui nécessite des séances de rééducation», nous dit Hafiane-Badouna Mohammed-Chawki, kinésithérapeute depuis 1987 à Skikda. L’afflux des adeptes de la kinésithérapie demeure disproportionné par rapport à la disponibilité des moyens matériels et humains, voire l’absence «d’une infrastructure de soutien à la médecine moderne».
Pour l’exemple, à Skikda, on ne compte que 3 kinés exerçant dans le domaine privé et 4 dans le public. Situation jugée inquiétante pour la prise en charge «post-médicale» des handicapés et des accidentés de toute nature. Qualitativement, on est encore loin de l’expérience allemande, issue de la prise en charge performante des blessés de la Deuxième Guerre mondiale ; une référence à suivre, selon notre interlocuteur. Dans ce cadre, l’entame de formations de perfectionnement est plus que salutaire. La spécialisation semble, elle aussi, remise aux calendes grecques. Et quand on sait que 35% des accidentés, à l’échelle nationale, conservent des séquelles graves, souvent handicapantes, faute d’un traitement paramédical adéquat (rééducation…), situation appelée à évoluer, on est en droit d’appréhender un avenir «infirme ». Hafiane-Badouna Mohamed- Chawki, le kiné de Salah Assad, de l’équipe militaire en 96 (avec les Saïfi, Meftah, Boughrara…), des consuls et des ambassadeurs... qui dirige un cabinet de rééducation fonctionnelle et réadaptation physiothérapie depuis 1991 dans la zone sud de Skikda, nous livre son expérience.
Le Soir d’Algérie : Pouvez-vous nous parler de votre activité ?
Hafiane-Badouna Mohammed- Chawki : D’abord la kinésithérapie ou la rééducation intervient dans les pathologies, telles la rhumatologie, la traumatologie, la neurologie, et ce, pour ne citer que celles-là. Il faut rappeler que mon cabinet couvre toute la wilaya. Quel constat tirez-vous de votre expérience dans le domaine privé ? Au niveau de mon cabinet, j’ai vu toutes les pathologies, des maladies qui se guérissent rapidement, ou chroniques qui demandent beaucoup de temps, durant lequel le patient devient comme un membre de la famille. D’ailleurs, je suis régulièrement dans mon bureau de 7h30 jusqu’à 20h.
Quels sont justement ces maladies chroniques ?
L’hémiplégie, infirmité moteur cérébral, (IMC), rhumatologie (10 séances par an)… Combien dure une séance de kinésithérapie ? Une heure en général. Elle consiste à faire un travail d’électrothérapie, physiothérapie, des massages, des mouvements, la mécanothérapie… Quelle est la fréquence quotidienne de vos patients ? 20 personnes par jour.
Existe-t-il une norme nationale ou internationale de fréquence ?
Tout dépendra de l’espace, du matériel et du personnel. Si le nombre de patients va tripler, on sera dans l’obligation d’augmenter la capacité d’accueil en fonction de l’extension de l’espace. Ce qui aura pour impact une meilleure prise en charge des malades.
A Skikda, il existe trois cabinets privés, cela est-il suffisant ?
Non. Au vu du nombre de la population, de l’implantation d’un tissu industriel (une zone industrielle, un port commercial et port pétrolier), on est encore loin d’un kiné pour dix personnes. Tout autant que, dans un passé récent, preuve nous a été donnée que l’on n’était pas encore à l’abri de risques majeurs, sanctionné par une incapacité criante de prise en charge des accidentés par le secteur public.
Que proposez-vous pour qu’il y ait une bonne prise en charge des malades selon les normes ?
Une structure d’accueil digne d’un centre de rééducation à Skikda. Sur le plan national, il est plus que nécessaire, déontologie médicale oblige, de mettre à la disposition des patients les moyens de leur prise en charge, une assistance paramédicale, ainsi qu’une diminution des charges sociales liées aux mauvaises prises en charge. Il revient aussi aux hautes autorités de mettre sur le marché des équipements de haute technologie destinés à l’électrothérapie, la mécanothérapie et l’ergothérapie. On peut également inciter les parents à préconiser une hygiène de vie au profit des bébés. Cela évitera l’hospitalisation et l’orientation vers le kiné pour des séances respiratoires. Et sachant que la spécialisation fait encore défaut dans le secteur (une seule spécialiste au niveau de l’établissement public hospitalier), on peut deviner la défaillance dans la prise en charge. Il existe trois rééducations : rééducation directe, rééducation de séquelles et rééducation d’une fonction particulière.
Sont-elles toutes pratiquées en Algérie ?
Pour le moment, faute de moyens, on ne fait que la rééducation générale. La concurrence faisant aussi défaut, on est obligés de répondre aux besoins des malades.
Y a-t-il eu des formations dans ce sens ?
Par le biais de l’ Association des amis du malade , il y a eu une lancée dans le cadre de la rééducation avec des professeurs de renommée mondiale.
Un mot pour terminer...
Personne n’est à l’abri d’une affection qui nécessite des séances de rééducation. Donc, dans le cadre de l’amélioration graduelle de la prise en charge des patients, la création d’une structure d’accueil digne d’un centre de rééducation, qui pourra créer 22 emplois permanents et une cotisation annuelle en impôt et taxe de l’ordre de 583 000 DA, s’impose.
Zaïd Zoheir